A 33 ans, Gwen Berrou présente sa première création perso. Fall into the show. Le sujet? La chute de l’amour et du hasard: « Je suis une fan de l’amour, ok, mais je l’aborde par la chute, le danger de se perdre dans l’autre, un truc poreux qui enserre, qui m’interpelle. La chute, c’est une illusion qui dégringole, un peu comme l’impression que la vie va durer tout le temps avant que la mort te rattrape… »
Bien foutu, le solo, à la croisée du théâtre et de la performance, se connecte au public, passe par un prologue cocasse sur l’art, fait débarquer Phèdre de Racine, amène Gilgamesh, pose L’Eloge de l’amour d’Alain Badiou. Du propos sans y toucher, qui vous caresse, dans une forme allègre, truffée de poésie. Ainsi, une robe lui tombe littéralement dessus qui la fait glisser illico dans Belle du Seigneur! Elle dialogue sur l’amour, couteau en main, égrène toutes sortes de chutes en se cassant la figure à foison! Et le décor suit le mouvement. Un théâtre physique, qui renouvelle son univers.
Flash-back.
En 2005, aux Prix du Théâtre, elle fut nominée « meilleur jeune espoir » pour La Trilogie de Belgrade et La Cantatrice chauve. Un jeu classique mais déjà percutant : sur scène comme au cinéma, elle existe d’emblée, même dans des rôles secondaires, comme dans Les Géants de Bouli Lanners. « Depuis lors, on me propose plus de castings. Je joue dans le prochain film de Marion Hänsel, La Tendresse, où je donne une réplique à Olivier Gourmet. »
Du théâtre moderne à la scène contemporaine, Gwen Berrou évolue et excelle toujours. « Un stage sur la performance, avec le Britannique Robert Pacitti, a provoqué un véritable déclic avec des questions du genre : qu’est-ce que tu fais de ta personne? Quelle image choisis-tu de donner? Chacun devait arriver avec ses urgences, ses nécessités de parole, alors qu’au Conservatoire nous étions seulement dans « l’intélligence du texte ». »
Née en Bretagne, Gwen Berrou plonge dans le théâtre dès le lycée, s’intéresse à la danse contemporaine, termine un bac « arts plastiques ». Trois éléments qui s’esquissent dans Fall intot the show, où file une énergie positive. « J’ai fait de la capoeira, du yoga, du reiki. Je suis pour l’instant une formation sur la méditation bouddhiste. Ca change une vie. Aujourd’hui, j’ai envie de faire de la place à des trucs rayonnants, qui ne soient pas naïfs. La violence, on connaît, ça te laisse des sales images dans la tête. Dans le film Drive, j’ai aimé la photo, le son, le personnage charismatique, mais en faire un héros moderner, bof! : c’est quand même un tueur…D’ailleurs, je ne pourrais pas créer un truc nihiliste sans apporter un souffle positif. C’est con à dire mais compliqué à faire. »
Côté scène, elle aime Castelluci, côté musique, l’afrobeat, côté littérature, en ce moment, elle lit…La Vie de Yéshé Tsogyal, Souveraine du Tibet, « l’histoire de la compagne d’un maître tibétain du VIIIe siècle. Un truc illsibile que m’a filé l’ingénieur son. « Branchée « spirituelle », votant Front de gauche, Gwen Berrou ne manque pas d’humour quand on la charrie. Cette végétarienne « bouddhiste » nous a épargné l’encens mais pas le talent, généreux, abordant l’amour et la vie sans mièvrerie. Ca requinque…